Venezia
Un peu d’histoire pour commencer. L’année dernière, aux alentours du 12 août, grande fête familiale et amicale. Il s’agit, pendant un week-end d’honorer comme il se doit le cinquantenaire de Lucile. Parmi les cadeaux, une gondole en bois fabriquée par Fabrice. C’est, en fait, une tirelire. Un des rêves de Lucile, qui a gardé son cœur de midinette, est de s’offrir un séjour à Venise. Sa famille et ses amis ont donc décidé de le subventionner. Il lui faut un accompagnateur. Avec la grande sagesse qui la caractérise, c’est moi qu’elle choisit.
Après moult péripéties, dues principalement à l’Etat français (ou plutôt certains de ses représentants) qui ont du mal à admettre qu’étant né à l’étranger on puisse tout de même être de nationalité française et obtenir une carte d’identité, le voyage est enfin programmé pour le 1er mai 2005. L’hôtel est retenu, les renseignements divers et variés nécessaires à un séjour sans nuage sont obtenus, les billets d’avions sont achetés. Tout est prêt.
Quelques nouveaux aléas, dus à la condition de « passagers compagnie » plus tard, nous embarquons enfin en
classe affaire d’un airbus d’Air France. Deux coupes de champagne et une heure et demi de vol plus tard, nous débarquons à l’aéroport Marco Polo de Venise. De là, autobus puis vaporetto nous
emmènent à notre hôtel, le Savoia & Jolanda qui donne sur le Canale di San Marco.
Celui-ci est situé à une petite centaine de mètres de la piazza San Marco, haut lieu touristique de la ville. Notre chambre, exiguë, mais possédant tout ce qu’il faut pour un séjour agréable, donne sur une toute petite ruelle, d’un peu plus d’un mètre de large dans laquelle les autochtones s’apostrophent à qui mieux mieux. Heureusement, nous apprendrons plus tard que les Vénitiens se couchent tôt et cela ne gênera finalement en rien les conditions de notre séjour. Geste machinal, j’allume la télévision. Berlusconi apparaît dans la chambre. Ca m’a guéri, nous ne l’allumerons plus que pour prendre la météo de la journée.
C’est dimanche soir. Avant de venir, nous avions prélevé certains renseignements sur Internet, et notamment sur le site du « guide du routard ». Une prénommée Agnès a eu la gentillesse de nous faire parvenir une liste de restaurants qu’elle avait apprécié .
En nous baladant, nous nous dirigeons vers le 1er d’entre eux, le « Bacaro Jazz ». Pas loin du pont du Rialto, une petite place avec la statue d’un illustre inconnu du XVIIème siècle, puis une petite rue au fond de laquelle une musique jazzy s’échappe. Nous sommes arrivés. La salle est décorée de panneaux de bois peints. Aux murs, des photos et affiches de Billie Hollyday, James Moody, Miles Davis, Charlie Parker. Petites tables de deux. Au plafond, des fils auxquels sont attachés des dizaines de soutien-gorges de toutes tailles et de toutes sortes.
Mikael, Le garçon nous apprendra plus tard que cet endroit a beaucoup de succès auprès des filles passée une certaine heure. La carte est courte mais appétissante. Nous décidons de suivre les conseils d’Agnès, ce sera donc deux cichetti : un assortiment différent tous les jours de fruits de mer, de légumes frits et présentés façon tapas sur une seule assiette.
Nous arroserons cela avec deux coupes de Fragolino, un vin rouge pétillant et sucré au goût de fraise.
C’est excellent. Madame cale sur le poulpe mais se laisse tenter par un tiramisu. Après la note et sa contestation (nous nous apercevrons qu’il faut vérifier toutes les additions, mais c’est de bonne guerre, et c’est pris avec le sourire) car y figurait un expresso venant d’on ne sait où. Petit vagabondage dans le quartier.
C’est extrêmement facile de se perdre à Venise, mais ici, se perdre, c’est découvrir. Même les rues noires ne donnent pas la même impression d’oppression comme ailleurs. Les petits canaux sont éclairés par les lumignons des dernières gondoles qui circulent et donnent à ces endroits un caractère romantique accentué par le mystère de la nuit. Beaucoup de petites rues n’ont pas de nom, ou alors, nous ne les avons simplement pas vu. Certaines donnent sur des culs de sac ou des cours fermées. Mais, même perdus, c’est très facile de retrouver son chemin, il suffit d’avoir un bon sens de la marche, un minimum de sens de l’orientation et puis on finit toujours par tomber sur une petite place, une église, un petit monument qui est indiqué sur la carte. A partir de là, on est sauvé.
Avant de continuer, quelques petits renseignements prélevés sur le routard pour pouvoir suivre nos pérégrignations.
Venise se trouve au centre d’une lagune de 50 km de long environ et de 15 km de large. La commune est un ensemble très compact qui regroupe 118 îlots très rapprochés, reliés par 160 canaux. Elle est séparée de l’Adriatique par une bande sableuse. On y accède par trois passages : le Porto del Lido, le Porto Malamocco et le Porto di Chioggia. Des chenaux profonds, naturels et artificiels permettent la navigation. Des piliers de bois balisent le passage. En dehors de Venise et des îles avoisinantes, il existe de nombreux îlots non habités. A chaque île de la lagune correspondait une fonction de la cité. Cette organisation permettait d’isoler et donc de maîtriser chaque secteur d’activité : San Servolo et son hôpital psychiatrique (fermé en 1979); San Michele, l’île cimetière où repose, entre autres, Igor Stravinsky; Murano où, en 1308, s’installent les verriers pour éviter les incendies dans le centre-ville. Burano, haut lieu de la pêche et de la dentelle; San Francesco del Deserto, l’île-monastère …
Ici, je dois dire que, grâce au Routard, nous avions préparé un petit programme sur les trois jours pleins que nous allions passer là-bas. C’est peine perdue. Avec la mentalité des autochtones, les horaires non respectés et un tas d’impondérables qui prennent un malin plaisir à nous détourner d’un quelconque canevas, il est inutile de préparer des itinéraires fins. Ce qu’il faut faire, c’est avoir une idée des différents points forts du séjour, un squelette de circuit (mais léger, le squelette) et, à partir de là, jouer avec le temps qu’il fait, les horaires, les trajets et se laisser parfois aller à l’improvisation. Et finalement, c’est beaucoup plus séduisant.
Venise est divisée en quartiers mais ces quartiers n’ont qu’une fonction administrative. Les vrais centres de vie communautaires sont les campis. D’un côté du grand canal on a donc San Polo et Santa Croce ainsi que Dorsoduro, et de l’autre côté, Cannaregio, San Marco et Castello.