L'estuaire de Saint-Nazaire
L'estuaire - paysages -
L'estuaire de la Loire, de Saint-Nazaire à Nantes n'a plus grand chose de vraiment naturel quant à son aspect physique. Depuis plusieurs siècles il a été faconné par l'esprit et la main de l'homme. Destiné à servir le principal port de France : Nantes, jusqu'au XVIIIè/XiXè siècle, il a ensuite été modifié au fur et à mesure des besoins et de l'évolution des tailles des bateaux.
Il a été configuré "en entonnoir" afin de jouer avec les marées qui permettaient d'amener les navires jusqu'à Nantes. Il s'est avéré que, l'évolution des tirants d'eau arrivant, il a fallu plus de profondeur. On a donc fermé tous les canaux qui pompaient l'eau du fleuve; puis on a installé un port secondaire, plus en aval, à Painboeuf. Cela n'a pas suffit et le port de Saint-Nazaire a vu le jour et pris de plus en plus d'importance jusqu'à supplanter Nantes.
Du côté de la faune et de la flore, tout n'était pas rose non plus. Cette installation "en entonnoir" a favorisé un phénomène de bouchon vaseux nocif à certaines variétés de plantes. Pour drainer l'estuaire, il a donc fallu réouvrir le canaux. De plus, d'un élevage exotique se sont échappé des ibis qui ont plus ou moins colonisé l'estuaire au détriment d'espèces endémiques de la région. Le ragondin, amené par l'homme et élevé pour sa fourrure est également sorti de ses réserves pour causer de gros dégats à cause de sa voracité. Bref, un peu comme aujourd'hui, on a mené des politiques à courte vue sans se préoccuper des dommages collatéraux.
Les choses s'améliorent; l'écologie et ses problèmes commencent à envahir les esprits. Les rives sont aménagées, des réserves naturelles (l'endroit est très favorable aux migrateurs) sont organisées. On a même implanté un territoire pour les cigognes qui ont la flemme d'aller jusqu'en Alsace. Certaines préfèrent le gros-plant au sylvaner.
Tout d'abord, quelques photos d'espèces que l'on trouve le long de l'estuaire et qui ont été installées dans la partie "Jardin des Orpins et des Graminées" du jardin du tiers-paysage de la base sous-marine à Saint-Nazaire.
Une série, au fil de l'eau
L'estuaire - côté Arts Contemporains - Saint-Nazaire
Estuaire est une aventure artistique en trois épisodes dont le dernier a lieu cet été. En 2007 et 2009, une trentaine d’œuvres sont réalisées, in situ, à Nantes, Saint-Nazaire et sur les 60 kilomètres de l'estuaire de la Loire qui relie ces villes. Si certaines créations sont présentées le temps de l'évènement, d'autres sont installées définitivement sur le territoire pour composer un parcours ouvert à la visite toute l'année.
On va partir de Saint-Nazaire et embarquer ensuite en direction de Nantes.
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On commence par le
LIFE
" Ce nouvel équipement culturel a ouvert ses portes au printemps 2007.
Dédié aux nouvelles esthétiques, le Lieu International des Formes Émergentes se signale par une programmation artistique transdisciplinaire et internationale.
Logé dans l’Alvéole 14 de la base sous-marine, c’est à l’architecte berlinois Finn Geipel qu’a été confié le nouvel aménagement de ce vaste espace atypique qui accueille aussi la scène des
musiques actuelles, le VIP.
Destiné à accueillir la création artistique sous tous ses aspects, cet équipement résolument innovant inscrit la Ville dans le paysage exigeant des initiatives européennes les plus récentes en ce
domaine."
De la mi-juin à début septembre, les frères Chapuisat y exposent
une installation baptisée Métamorphose d'impact #2.
Je n'ai pas beaucoup de photos de cette installation; en effet, lorsque vous arrivez à l'accueil de l'exposition, une jeune fille vous prend en charge et vous accompagne, avec une petite lampe de
poche dans une pièce immense (enfin, que vous devinez immense) et totalement noire. Elle vous prévient qu'elle va vous laisser découvrir l'endroit, qu'il y a quelques bancs sur les côtés, donc
attention à vos tibias, et que si vous quittez ces côtés pour vous diriger vers le centre de l'espace, il faut faire attention à sa tête et la protéger de la main, puis elle vous laisse
seul.
Prudemment, j'ai d'abord entamé un tour de la salle en faisant attention où je mettais les pieds. J'ai commencé à entendre
d'autres visiteurs, que je ne voyais pas, et qui s'interrogeaient également sur ce lieu bizarre. Faire le tour de ce grand espace a bien pris quelques minutes. La vue commence, au bout d'un
certain temps, à s'habituer à l'obscurité. Je me suis alors, avec mes mains pour protections, dirigé vers le centre. J'ai fini par sentir, à hauteur du front, une installation en bois et carton
dur. J'en ai prudemment fait le tour, c'était assez grand. Plus j'avançais en direction du centre, plus l'installation se rapprochait du sol. Sur le sol, justement, j'ai vu une tache de lumière;
je me suis courbé, puis mis à genoux pour finir par ramper vers cette tache. L'installation était alors à 40 ou 50 centimètres du sol; c'est déconseillé aux claustrophobes et aux anxieux. Arrivé
à ce puits de lumière, il est possible de se redresser et l'on entre alors son corps dans un genre de cheminée de 50 par 50, avec ma corpulence, je ne pouvais pas trop bouger, juste tourner
sur moi-même. On entre alors dans une espèce de matrice éblouissante totalement tapissée d'un genre de couverture de survie dorée et éblouissante; impossible de voir d'où vient cette lumière qui
agresse des yeux habitués, depuis 10 minutes, au noir quasi total. J'ai pris une photo, mais bon, ça ne va pas vous aider :
C'est une sensation curieuse qui vous envahit dans cette sphère très
grande où émerge juste la partie supérieure de votre corps; lorsque vous faites un tour sur vous-même, c'est très beau ... mais il faut vous décider à ressortir, car d'autres visiteurs ont fini
par suivre le même chemin que vous.
On se retrouve donc à plat ventre, puis à genoux, puis courbé et on refait un tour de la pièce avec, en mémoire, la structure que l'on a palpée il y a quelques minutes. Avec le temps, la vision
commence à se faire à l'obscurité et vous commencez vous-même à distinguer une vaste forme.
Ce qui est intéressant également, c'est d'entendre les réflexions des autres visiteurs : une dame : "qu'est-ce que c'est que ce machin ? c'était pas là quand on est entré ! ils l'ont descendu
depuis tout à l'heure !".
Enfin vous sortez, troublé tout de même par ce que vous venez de vivre et une partie de l'explication se trouve à côté du livre d'or, dans une brochure qui détaille l'installation. Je
vous ai photographié deux pages :
l'endroit vide :
... puis l'installation "éclairée"
C'est par la partie la plus proche du sol que vous entrez votre corps à l'intérieur.
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Autre lieu d'art contemporain à Saint-nazaire, Le Grand Café où exposent, sous le titre générique "L'équilibre des Contraires" deux artistes : Séverine Hubard et Vincent Ganivet
Tout d'abord Séverine Hubard
et Vincent Ganivet
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En sortant on prend la direction du quai du commerce d'où on prendra le bateau tout à l'heure; pour le moment, on traverse un petit bras d'estuaire par le pont tournant pour atteindre la
terrasse panoramique. En haut de celle-ci, on peut admirer, en dehors du panorama sur le port et sur les Chantiers de l'Atlantique, une œuvre de Felice Varini intitulée "Suite de triangles". Si vous êtes un(e) fidèle de ce blog (ce dont je ne doute pas) et si vous avez de la mémoire, vous
vous souviendrez sans doute que je vous ai déjà parlé de cet artiste sur un billet que j'avais fait sur la visite du MAC-VAL de Vitry.
Il investit généralement un lieu ancien et construit une œuvre qui n'est visible en intégralité et dans sa forme aboutie qu'en un seul endroit bien précis. Si vous bougez de quelques centimètres, c'est déformé. Sa suite de triangles n'est donc visible qu'à un endroit précis de la terrasse panoramique; lorsque vous êtes dans le port ou sur la zone industrielle, vous ne voyez que des morceaux de murs peint en rouge.
L’œuvre terminée, c'est ça :
On voit peut-être mieux sur le panneau de présentation :
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Je vous emmène sur le toit de la base sous-marine pour y voir une installation que j'aime beaucoup : Le Jardin du Tiers-Paysage de Gilles Clément
Ce paysagiste a investi ce toit sans trop de charme, en dehors d'une vue intéressante sur Saint-Nazaire et sur le pont
et le port, pour y installer 3 jardins :
un Bois de trembles que l'on voit au loin ici (agrandissez la photo en cliquant dessus); il a été installé en 2009 dans
les chambres d'éclatement des bombes
On le voit mieux sur ce panneau que j'ai photographié :
Il a complété son œuvre en 2012 par un Jardin des Orpins et des Graminées, plantes robustes de l'estuaire, dans les
travées non recouvertes. On peut le découvrir à partir d'une passerelle
Dans la fosse (non photographiée), un Jardin des étiquettes se compose au gré des aléas (vent, oiseaux, semelles de
chaussures...) sur une fine couche de substrat. Deux fois par an, les plantes nouvelles sont identifiées et étiquetées.
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L'estuaire - côté Arts Contemporains - au fil de l'eau
En sortant du port de Saint-Nazaire, aprés être passé sous l'impressionnant pont du même nom, la première oeuvre visible (mais il faut une très bonne vue) est le Serpent d'océan de Huang Yong Ping sur la plage de Mindin, à Saint-Brévin.
Pour vous en donner une image plus précise, je suis allé y faire un tour. Sur la photo ci-dessus, la marée était basse, lorsque j'y suis allé en voiture, elle était haute
Regardez comme il répond au Pont de Saint-Nazaire
Même pas peur, je l'ai chopé de face
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Une vingtaine de kilomètres plus loin, on est au large de la plaisante commune de Painboeuf où Kinya Maruyama a installé Le Jardin Etoilé
Le jardin vu du bateau
Je suis également allé prendre quelques photos de l'intérieur du jardin
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A Cordemais, pour répondre aux cheminées du "château de fer" qu'est la centrale thermique à flamme, Tatzu Nishi a reproduit, à l'identique,
une tour de 15 mètres de hauteur au sommet de laquelle une petit pavillon avec jardinet, sorti tout droit des années 70, fait office de gîte : c'est la Villa Cheminée.
pour information, tarifs, petit déjeuner inclus : 95 euros, semaine et dimanche et 99 euros vendredi et samedi
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Plus loin, on arrive au Canal de la Martinière; il sert de régulation hydraulique et la machinerie de l'écluse se visite en saison. Eric Wurm y a installé son oeuvre, "Misconceivable"
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A quelques encablures : Couëron où Jean-Luc Courcoult, le fondateur de
Royal de Luxe a installé sa "Maison dans la Loire"
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Pas très loin, à Indre, une serpent rouge de 40 mètres de long sort du fleuve pour se dresser face à la Loire, gueule ouverte, c'est Serpentine Rouge de l'artiste d'origine Cherokee Jimmie Durham
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Près de Bouguenais, à Port
Lavigne exactement, dans trois peupliers sur la rive du fleuve on peut apercevoir des singes (il vaut mieux être muni de jumelles) un jaguar et un couple d'ours. Il s'agit d'une installation de
l'américaine Sarah Sze intitulée "The Settlers" (Les colons).
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Un peu plus loin, à Rézé, dans
une ancienne centrale à béton, Roman Signer a accroché un pendule de 7 mètres, il bat le temps et ne s'arrête qu'en cas de vent fort.
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Dans les faubourgs de Nantes, sur la falaise
de la butte Sainte-Anne, on peut voir un "arbre lunaire" blanc de 12 mètres de haut. Ca s'appelle "Lunar
Tree" et c'est de Petra Mrzyk et Jean-François
Moriceau.
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Bien d'autres oeuvres pérennes ont été
installées le long de cet estuaire de Nantes à Saibnt-Nazaire et jusqu'à Fontevraud. Autant d'occasions de poser un regard neuf sur des paysages connus ou à découvrir. Plusieurs oeuvres appellent
à une réflexion sur l'état du monde, l'environnement, le rapport au sauvage et à la nature. Que ce soit "Péage
Sauvage" du collectif Observatorium, qui pose un tronçon d'autoroute en bois à côté de la zone protégée de la Petite Amazonie, ou 'L'île flottante" de Fabrice Hyber, qui reconstitue sur le canal Saint-Félix un rassemblement de bateaux; ou encore "Les colons" de
Sarah Sze dont je vous ai parlé plus haut. Estuaire, c'est maintenant 29 oeuvres sur 12 communes et l'aventure se poursuit avec au programme de nouveaux aménagements, cheminements doux, chemins
pédestres, gîtes, points de vue, confiés à des designers, des architectes et des
urbanistes.
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L'estuaire - les activités -
Tout d'abord, le bateau qui m'a trimbalé :
Aux Chantiers de l'Atlantique, 4 bateaux en construction, en voici deux :
On utilise l'écluse à cause de la différence de niveau entre le port et la mer ...
... puis on passe sous le pont de Saint-Nazaire
Un pousseur
Transports spéciaux, pour Airbus ...
... et pour Kourou, par le Béluga construit spécialement pour transporter les morceaux d'Ariane
On croise un vaillant petit bateau qui lutte contre les remous
Et on passe devant les différents terminaux, différents chantiers, différentes installations portuaires
Quelques villages
Deux chateaux
Un des trois derniers civelliers
Le bac du Pellerin
Une tour à plomb qui servait à fabriquer les munitions de l'époque : le plomb fondu coulait du haut de la tour à travers des grilles jusqu'en bas où l'on récupérait les plombs pour les armes à feu
Et quelques installations industrielles bizarres
Le terminal à ferrailles qui revêt, sous le soleil, et lorsqu'on a l'oeil un peu spécial, une certaine beauté
L'araignée, bouffeuse de ferraille
Lorsque j'ai pris ces photos pour faire ce billet, je me suis dit que lorsqu'on voit ces installations, ces engins qui sont presque des monuments, on ne peut pas s'empêcher en les regardant avec l'oeil du touriste un peu curieux, d'y déceler une certaine poésie et parfois même une certaine majesté.
Il n'est pas impossible que ceux qui travaillent sur les différents sites aient une approche différente et un peu plus terre à terre.